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Le Bambou : ressource inexploit¨¦e

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Le Bambou : ressource inexploit¨¦e

Une source de revenus et de cr¨¦ation d¡¯emplois qui permet aussi de prot¨¦ger l¡¯environnement
Zipporah Musau
Afrique Renouveau: 
A farmer measuring the thickness of a bamboo tree in Madagascar. Photo: INBAR/Lou Yiping
Photo: INBAR/Lou Yiping
Un planteur mesurant la taille de tour d¡¯une tige de bamboo ¨¤ Madagascar. Photo: INBAR/Lou Yiping

C¡¯est une ? plante merveilleuse? aux vertus uniques. Pour les agronomes, elle permet de lutter contre la d¨¦gradation des paysages ; pour les ¨¦conomistes, elle est un futur ?or vert?. Pour le d¨¦sign et l¡¯architecture, elle est aussi un mat¨¦riau de choix pour lequel il existe d¨¦j¨¤ un march¨¦ mondial.? ?

Le bambou ¨C gramin¨¦e g¨¦ante ¨¤ usages multiples susceptible de pousser sous presque tous les climats et sur les sols les plus pauvres ¨C existe depuis des centaines d¡¯ann¨¦es en Asie, en Am¨¦rique latine et dans certaines r¨¦gions d¡¯Afrique. Cependant, les possibilit¨¦s d¡¯utilisation de cette plante dont la croissance est la plus rapide au monde (certaines esp¨¨ces peuvent gagner jusqu¡¯¨¤ un m¨¨tre par jour) sont encore largement sous-exploit¨¦es.

Ainsi ce n¡¯est que r¨¦cemment qu¡¯a d¨¦but¨¦ la commercialisation ¨¤ grande ¨¦chelle du bambou, g¨¦n¨¦rant l¡¯espoir de nouveaux revenus et emplois pour les populations rurales pauvres.? ?

Le march¨¦ mondial du bambou, dont la Chine d¨¦tient la premi¨¨re place, est en pleine expansion en raison d¡¯un accroissement de la demande en produits respectueux de l¡¯environnement en Europe et aux ¨¦tats-Unis. D¡¯apr¨¨s le R¨¦seau international? sur le bambou et le rotin (INBAR), une organisation intergouvernementale affili¨¦e aupr¨¨s de l¡¯ONU qui promeut la culture du bambou et du rotin au profit de l¡¯¨¦conomie et de l¡¯environnement, le march¨¦ mondial du bambou repr¨¦sente aujourd¡¯hui 60 milliards de dollars et est une source de revenus potentielle pour les communaut¨¦s rurales.? ?

Pour? mettre ¨¤ profit ce march¨¦ lucratif, les gouvernements et le secteur priv¨¦ africains ont entam¨¦ des d¨¦marches pour la commercialisation du bambou.?

Pour le moment, dix-huit pays africains o¨´ le bambou pousse naturellement ¨C le B¨¦nin, le Burundi, le Cameroun, l¡¯?rythr¨¦e, l¡¯?thiopie, le Ghana, le Lib¨¦ria, le Kenya, le Malawi, Madagascar, le Mozambique, le Nig¨¦ria, le Rwanda, le S¨¦n¨¦gal, la Sierra Leone, la Tanzanie, le Togo et l¡¯Ouganda ¨C sont membres de l¡¯INBAR. L¡¯organisation leur fournit des informations sur le transfert technologique, le renforcement des capacit¨¦s et l¡¯¨¦tablissement de politiques aux fins de la culture de cette plante. D¡¯autres pays, comme l¡¯Angola, le Gabon et la Zambie, devraient prochainement rejoindre l¡¯organisation.?

D¡¯apr¨¨s le directeur g¨¦n¨¦ral de l¡¯INBAR, Hans Friederich, le bambou peut devenir un pilier essentiel d¡¯une future ¨¦conomie verte en Afrique. Il peut favoriser la r¨¦duction de la pauvret¨¦ et la protection de l¡¯environnement. Il repr¨¦sente en outre une solution rapide et concr¨ºte ¨¤ certains des d¨¦fis en mati¨¨re de pauvret¨¦ et de ressources naturelles auxquels font face de nombreux pays africains.

Le bambou est ¨¤ l¡¯origine de la fabrication de nombreux produits de valeur. Selon le Programme des Nations Unies pour l¡¯environnement (PNUE), il existe plus de 2 000 emplois de cette plante. La Chine avance qu¡¯il en existe pr¨¨s de 10 000 et que sa transformation peut g¨¦n¨¦rer encore beaucoup plus d¡¯argent.? ?

Le bambou est utilis¨¦ pour la fabrication de meubles, de certains b?timents et toits, de poteaux, de placages, de rev¨ºtements de sol, de panneaux muraux, de plafonds, d¡¯¨¦chafaudages, de cadres de portes et de fen¨ºtres, ainsi que de stores. ?

Dans l¡¯industrie des p?tes ¨¤? papier, le bambou peut ¨ºtre transform¨¦ en papier journal, papier toilette et carton, un avantage pour la pr¨¦servation des ressources foresti¨¨res limit¨¦es de l¡¯Afrique. Dans les industries textile, agroalimentaire et chimique, le bambou participe ¨¤ la fabrication de tissus, t-shirts, vins, vinaigres, produits biochimiques et pharmaceutiques.?

Au niveau national, le bambou est utilis¨¦ pour fabriquer des tapis, des paniers, des cano?s, du mat¨¦riel de p¨ºche, des v¨¦los, des cl?tures, des cure-dents, des bureaux d¡¯¨¦colier, des crayons et des gommes, pour? ne? citer que quelques produits. ?

Le bambou est ¨¦galement une source d¡¯¨¦nergie non polluante. Le bambou fournit une source d¡¯¨¦nergie alternative, propre et renouvelable pour un usage domestique ou industriel. ? ?

Certains estiment m¨ºme que le bambou est une plante ? magique? pour la protection de l¡¯environnement, car elle att¨¦nue les effets du changement climatique en permettant un reboisement rapide, en ralentissant l¡¯¨¦rosion des sols et en compensant les faiblesses des ¨¦cosyst¨¨mes. Le bambou est aussi un tr¨¨s bon puits de carbone g¨¦ant, chaque plante absorbant presque deux fois plus de dioxyde de carbone qu¡¯un arbre.?

Pour les agriculteurs, la culture du bambou pourra aussi probablement permettre l¡¯acquisition de cr¨¦dits de carbone. L¡¯INBAR, la Fondation China Green Carbon et l¡¯Universit¨¦ agricole et foresti¨¨re du Zhejiang ont mis au point une m¨¦thodologie qui permettra aux concepteurs de projet de mesurer les flux? de carbone dans une plantation de bambous et de calculer ainsi les cr¨¦dits de carbone exigibles.? Il en r¨¦sultera une augmentation des revenus des agriculteurs.?

La culture commerciale du bambou est susceptible de cr¨¦er des milliers d¡¯emplois puisqu¡¯elle n¨¦cessite une importante main d¡¯?uvre, le bambou devant ¨ºtre plant¨¦, entretenu et r¨¦colt¨¦ ¨¤ la main. Au Ghana, un r¨¦cent projet d¡¯exploitation a permis l¡¯embauche de 1 500 personnes. En Chine, l¡¯industrie du bambou emploie pr¨¨s de 8 millions de personnes, un chiffre qui devrait atteindre les 10 millions d¡¯ici ¨¤ 2020 selon l¡¯INBAR. ?

Un plant de bambou parvient ¨¤ maturit¨¦ au bout de quatre ¨¤ huit ans, selon les esp¨¨ces ; toutefois, il peut ¨ºtre r¨¦colt¨¦ telle une plante vivace, sans risque de d¨¦forestation, trois ¨¤ cinq ans apr¨¨s avoir ¨¦t¨¦ plant¨¦. Sa dur¨¦e de rendement est de plus de quarante ans. Une fois plant¨¦, le bambou conserve des racines dans le sol, produisant de nouvelles pousses chaque ann¨¦e, ce qui contribue ¨¤ s¨¦curiser et stabiliser les sols. ? A la diff¨¦rence des for¨ºts, o¨´ il faut faire attention ¨¤ ne pas couper les arbres, le bambou repousse tr¨¨s vite une fois coup¨¦. Plus vous le coupez, plus il pousse, ? explique M. Friederich.?

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Que le bambou ait de multiples usages et offre de multiples possibilit¨¦s d¡¯exploitation ne fait aucun doute. Mais alors pourquoi les pays africains l¡¯ont-ils ignor¨¦ pendant si longtemps ? ? Le principal probl¨¨me? est le manque d¡¯informations?, d¨¦clare Tesfaye Hunde, Chef du Bureau r¨¦gional pour l¡¯Afrique de l¡¯est de l¡¯INBAR ¨¤ Addis-Abeba, ¨¤ Afrique Renouveau. Le manque de financements et l¡¯absence de politiques nationales et de programmes strat¨¦giques pour d¨¦velopper la culture et l¡¯emploi du bambou ralentissent aussi les avanc¨¦es dans ce domaine.?

Mieux inform¨¦s, de plus en plus de pays se tournent vers la culture du bambou. ?Son emploi est en train d¡¯augmenter ¨¦norm¨¦ment?, d¨¦clare M. Hunde. ? Dans plus d¡¯une trentaine de pays africains, il existe des r¨¦gions o¨´ le bambou pousse naturellement. L¡¯INBAR travaille avec d¡¯autres organisations pour permettre un transfert technologique et la formation des agriculteurs dans les r¨¦gions qui d¨¦veloppent? une cha?ne de valeur du? bambou - des agriculteurs aux march¨¦s - ce qui n¨¦cessite aussi des politiques nationales, des technologies et des investissements?.? ?

Les gouvernements africains doivent aussi contribuer ¨¤ d¨¦velopper les comp¨¦tences des agriculteurs en mati¨¨re de? culture et d¡¯entretien des bambous, fournir des semences et organiser des partenariats avec le secteur priv¨¦ afin de transformer cette mati¨¨re premi¨¨re et accro?tre sa valeur ajout¨¦e. ?

En d¨¦pit des possibilit¨¦s commerciales qui s¡¯offrent ¨¤ elles, les personnes d¨¦sireuses de vendre des produits en bambou peuvent se heurter ¨¤ certains manques en mati¨¨re de recherche, d¡¯innovation et de marketing. Il faut en outre que les productions de bambous soient adapt¨¦es aux normes commerciales et foresti¨¨res internationales. ? ? Le secteur du bambou est prometteur mais p?tit de son image?, estime Gary Quince, ambassadeur de l¡¯Union europ¨¦enne aupr¨¨s de l¡¯Union africaine. ? Nombre d¡¯agriculteurs consid¨¨rent le bambou comme une nuisance parce qu¡¯il pousse vite alors que c¡¯est l¨¤ son v¨¦ritable avantage.?

Au vu de ses caract¨¦ristiques, comme la croissance rapide, le bambou doit-il ¨ºtre consid¨¦r¨¦ comme une plante envahissante ? Certains redoutent que le bambou remplace la v¨¦g¨¦tation d¡¯origine de certaines r¨¦gions, modifie l¡¯habitat des esp¨¨ces animales et perturbe les cha?nes alimentaires. Dans un communiqu¨¦, la Soci¨¦t¨¦ am¨¦ricaine du bambou juge le pouvoir d¡¯invasion du bambou faible mais reconna?t que certaines esp¨¨ces peuvent se d¨¦velopper de fa?on agressive si elles ne sont pas entretenues correctement. D¡¯autres organisations comme le Fonds mondial pour la nature
(WWF), l¡¯Agence allemande de coop¨¦ration internationale (GIZ) et l¡¯Organisation n¨¦erlandaise de d¨¦veloppement? (SNV), de m¨ºme que le PNUE, la FAO, le PNUD, le NEPAD et le Centre international pour la recherche en agroforesterie (CIRAF) ont manifest¨¦ leur int¨¦r¨ºt pour le bambou, en particulier dans le cadre de la coop¨¦ration Sud-Sud, selon M. Friederich. La Chine et les Pays-Bas ont d¨¦j¨¤ accept¨¦ de financer un projet commun de culture en Afrique. L¡¯INBAR est actuellement en discussion avec la Commission europ¨¦enne, le gouvernement canadien, le Fonds international de d¨¦veloppement agricole (FIDA) et la City Foundation pour la mise en place de partenariats.