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Le renouveau burkinab¨¦

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Le renouveau burkinab¨¦

Un nouveau programme de changements d¨¦mocratiques et ¨¦conomiques
Afrique Renouveau: 
A building under construction in Ouagadougou. Photo: Ernest Harsch
Photo: Ernest Harsch
B?timent en chantier, Ougadougou. Photo: Ernest Harsch

?Le Burkina est fier ?, clament les affiches appos¨¦es sur les grandes art¨¨res de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Lorsqu¡¯elles ont ¨¦t¨¦ dress¨¦es en d¨¦cembre 2015 pour c¨¦l¨¦brer le nouveau gouvernement, beaucoup de citoyens n¡¯¨¦taient pas seulement fiers mais aussi optimistes ¨¤ l¡¯id¨¦e qu¡¯ils allaient enfin construire le?? Burkina Faso nouveau ? dont ils r¨ºvaient depuis si longtemps.

Le pays a connu de grands changements. Un r¨¦gime autoritaire en place depuis plus d¡¯un quart de si¨¨cle a finalement ¨¦t¨¦ chass¨¦ du pouvoir en octobre 2014, suite ¨¤ ce que les Burkinab¨¦ appellent ? l¡¯insurrection populaire ?. ?

Les ruines noircies de l¡¯ancien b?timent de l¡¯Assembl¨¦e nationale sont encore debout au centre-ville et rappellent la virulence de cette col¨¨re populaire qui a forc¨¦ le pr¨¦sident d¡¯alors, Blaise Compaor¨¦, ¨¤ se r¨¦fugier dans le pays voisin, la C?te d¡¯Ivoire. L¡¯ann¨¦e de transition qui a suivi a ¨¦t¨¦ ¨¦maill¨¦e de r¨¦formes mais aussi d¡¯erreurs. Elle a surtout ¨¦t¨¦ marqu¨¦e, en septembre, par une tentative avort¨¦e de coup d¡¯?tat, orchestr¨¦e par la c¨¦l¨¨bre garde pr¨¦sidentielle de Blaise Compaor¨¦.?

Les ¨¦lections, qui se sont finalement tenues en novembre 2015, ont donc ¨¦t¨¦ accueillies avec soulagement. Les observateurs ont relev¨¦ que ces ¨¦lections ¨¦taient sans doute les plus d¨¦mocratiques et les plus ouvertes de?l¡¯histoire du pays. Elles ont aussi permis d¡¯¨¦lire le nouveau pr¨¦sident, Roch Marc Christian Kabor¨¦, devenu le premier dirigeant civil du pays depuis presque 50 ans. En ¨¦coutant ses promesses, o¨´ s¡¯exprimait sa volont¨¦ de combattre la corruption, son engagement ¨¤ poursuivre les r¨¦formes d¨¦mocratiques?et ¨¤ s¡¯attaquer ¨¤ la pauvret¨¦ et la faim, nombreux sont ceux qui ont pens¨¦? que la situation allait? enfin commencer? ¨¤ s¡¯am¨¦liorer.

Mais le 15 janvier dernier, une attaque de combattants ralli¨¦s ¨¤ Al-Qaida au Maghreb islamique a pris tout le monde de court. Les hommes avaient infiltr¨¦ la capitale en passant par la fronti¨¨re nord du Burkina Faso. Plus de 30 personnes, ¨¦trangers et Burkinab¨¨, ont ¨¦t¨¦ massacr¨¦es au c?ur m¨ºme de la ville. Cette attaque ¨¦tait de loin le pire acte de terrorisme jamais enregistr¨¦ dans le pays. M¨ºme une fois le choc pass¨¦, l¡¯humeur est rest¨¦e sombre. La population n¡¯avait pas perdu espoir, mais les Burkinab¨¨ comprenaient soudain que le chemin qui leur restait ¨¤ parcourir serait tortueux. ?

Recherche d¡¯un ¨¦quilibre

Fin d¨¦cembre, quand le pr¨¦sident Kabor¨¦ a ¨¦t¨¦ investi dans ses fonctions, la population pla?ait ses espoirs dans des changements concrets : la baisse du co?t de la vie, l¡¯am¨¦lioration de la scolarisation et des services de sant¨¦, la cr¨¦ation d¡¯emplois, des poursuites contre les auteurs d¡¯actes de corruption, une plus grande justice sociale et politique. Les premiers discours du pr¨¦sident ¨¦taient centr¨¦s sur les moyens qu¡¯il mettrait en ?uvre pour r¨¦pondre ¨¤ ces attentes.? ?

Mais avant m¨ºme que les membres de son cabinet aient pr¨ºt¨¦ serment, l¡¯attaque terroriste du 15 janvier a fait de la s¨¦curit¨¦ la priorit¨¦ du gouvernement et des citoyens ordinaires. Pourtant, renforcer la s¨¦curit¨¦ ne signifiait pas que les autres objectifs que s¡¯¨¦tait fix¨¦s le gouvernement devaient ¨ºtre minimis¨¦s ou remis ¨¤ plus tard.

Dans un entretien ¨¤ la t¨¦l¨¦vision fran?aise, le pr¨¦sident Kabor¨¦ avait identifi¨¦ la voie ¨¤ suivre. ?Si nous ne faisons pas en sorte qu¡¯il y ait le d¨¦veloppement, de l¡¯espoir, du travail pour les jeunes, le terreau sur lequel travaillent les terroristes ¡ª sur la pauvret¨¦ et sur la mis¨¨re ¡ª?sera maintenu¡­. Donc il est important que tout en travaillant ¨¤ la lutte pour la s¨¦curit¨¦ nous devons travailler pour le d¨¦veloppement de notre pays.?

Les efforts de d¨¦veloppement se poursuivent, comme le pr¨¦sident l¡¯avait promis et la s¨¦curit¨¦ a? ¨¦t¨¦ renforc¨¦e. Des r¨¦formes sont en cours pour restructurer les forces arm¨¦es apr¨¨s la dissolution du r¨¦giment de la garde pr¨¦sidentielle qui a tent¨¦ de s¡¯emparer du? pouvoir en septembre dernier.?

Lors d¡¯une visite au d¨¦but du mois de mars, le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU, a assur¨¦ les Burkinab¨¦ de l¡¯engagement ferme des Nations Unies ¨¤ leurs c?t¨¦s.?

Une population en difficult¨¦

En attendant, les besoins ¨¦conomiques et sociaux de la population restent ¨¦normes. Selon des chiffres r¨¦cents de l¡¯Institut national de la statistique, un peu plus de 40 % des Burkinab¨¨ vivaient dans la pauvret¨¦ en 2014 et ce taux atteignait 70 % dans la r¨¦gion aride du nord du pays. Un chiffre en baisse si on le compare aux 46,7 % enregistr¨¦s 5 ans auparavant ¨¤ l¡¯¨¦chelle nationale, mais qui place n¨¦anmoins le pays parmi les plus pauvres du continent.

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l¡¯ONU estime ¨¤ 660 000 le nombre de Burkinab¨¨ qui cette ann¨¦e auront besoin d¡¯aide alimentaire et ¨¤ un demi-million le nombre d¡¯enfants qui continueront ¨¤ souffrir de malnutrition aigu?. M¨ºme si le gouvernement anticipe une r¨¦colte de c¨¦r¨¦ales meilleure que l¡¯ann¨¦e derni¨¨re, il sait aussi qu¡¯un tiers des 45 provinces du Burkina Faso seront d¨¦ficitaires. Les autorit¨¦s ont budg¨¦tis¨¦ 52 millions de dollars des ?tats-Unis pour nourrir les plus d¨¦munis.

Dans un discours de politique g¨¦n¨¦rale prononc¨¦ le 5 f¨¦vrier dernier devant le Parlement, le Premier ministre Paul Kaba Thi¨¦ba a appel¨¦ ¨¤ la mise en place d¡¯un ?nouveau contrat social? avec la population. Outre l¡¯am¨¦lioration de la s¨¦curit¨¦, ce contrat doit aussi inclure la lutte implacable contre la corruption, des mesures pour stimuler la croissance ¨¦conomique et l¡¯investissement, l¡¯introduction d¡¯une assurance maladie universelle et la construction de centaines de nouvelles cliniques de soins de sant¨¦ primaire, d¡¯¨¦coles secondaires et de centres de formation? pour les enseignants.

Le gouvernement devrait aussi mettre en ?uvre le nouveau code minier, adopt¨¦ l¡¯ann¨¦e derni¨¨re ¨¤ la demande de la Banque mondiale en ¨¦change d¡¯une enveloppe de 100 millions de dollars des ?tats-Unis. Ce nouveau code met fin ¨¤ l¡¯exemption fiscale de 10 % sur les b¨¦n¨¦fices des entreprises mini¨¨res et oblige ces derni¨¨res ¨¤ contribuer ¨¤ un fonds de d¨¦veloppement local.

Dans un pays essentiellement connu il y a dix ans? pour ses exportations de coton et de b¨¦tail, l¡¯exploitation des mines d¡¯or est d¨¦sormais le premier secteur du pays. Il a produit plus de 36 tonnes de minerai en 2014 et les ventes ¨¤ l¡¯¨¦tranger atteignent d¨¦sormais 1,6 milliard de dollars am¨¦ricains. Les dispositions favorables au secteur minier mises en ?uvre par le pr¨¦c¨¦dent gouvernement ont pourtant g¨¦n¨¦r¨¦ plusieurs probl¨¨mes graves, qu¡¯il s¡¯agisse de la contamination de l¡¯eau ou des conflits sociaux persistants qui agitent les sites miniers. Le nouveau code doit renforcer les normes environnementales, g¨¦n¨¦rer des revenus plus importants pour l¡¯?tat et obliger les compagnies mini¨¨res ¨¤ investir plus largement dans la sant¨¦, l¡¯¨¦ducation et autres installations communautaires au niveau local.? ?

Garder un ?il sur les gouvernants?

Le d¨¦part forc¨¦ de l¡¯ancien pr¨¦sident et le succ¨¨s des ¨¦lections de novembre ont renforc¨¦ les attentes de la population vis-¨¤-vis des nouvelles autorit¨¦s. Les Burkinab¨¦ attendent de leurs dirigeants une conduite ¨¤ la fois int¨¨gre et transparente, mais aussi une poursuite du soutien aux r¨¦formes d¨¦mocratiques. De nombreux activistes ont n¨¦anmoins conscience que le Pr¨¦sident Kabor¨¦ et plusieurs de ses proches collaborateurs ont longtemps servi dans l¡¯ancien gouvernement avant de rejoindre le mouvement pour la d¨¦mocratie.? ?

Tout en reconnaissant l¡¯honn¨ºtet¨¦ des intentions des autorit¨¦s qui promettent de gouverner diff¨¦remment, nombreux sont ceux qui restent prudents et vigilants. Les droits des femmes sont l¡¯un des aspects qui feront l¡¯objet d¡¯une attention particuli¨¨re. Si l¡¯¨¦galit¨¦ des sexes est prot¨¦g¨¦e par la constitution et les lois du Burkina Faso, dans la pratique, selon Amnesty International, les mutilations g¨¦nitales, les mariages pr¨¦coces et forc¨¦s et les violences domestiques sont monnaie courante pour les femmes burkinab¨¨ et les d¨¦cisions relatives ¨¤ la grossesse et au mariage sont souvent prises par les hommes. Il en r¨¦sulte que 17 % seulement des femmes du Burkina Faso utilisent un contraceptif et que plus de 2 000 d¡¯entre elles meurent en couches chaque ann¨¦e.

Bien que les femmes aient ¨¦t¨¦ plus nombreuses ¨¤ voter en novembre, seules 12 femmes si¨¨gent parmi les 127 d¨¦put¨¦s ¨¤ l¡¯Assembl¨¦e nationale, alors qu¡¯elles ¨¦taient deux fois plus nombreuses lors de la pr¨¦c¨¦dente l¨¦gislature, en 2012. Les partis politiques remplissent g¨¦n¨¦ralement leur quota officiel de 30 % de candidates, mais ils ont tendance ¨¤ placer les femmes dans le bas des listes, si bien que peu d¡¯entre elles sont finalement ¨¦lues. ?

Pour contrebalancer en partie cette in¨¦galit¨¦ au Parlement, le Premier ministre Thi¨¦ba a nomm¨¦ sept femmes dans son cabinet de 29 membres, dont la ministre des Finances Rosine Coulibaly, une ancienne Repr¨¦sentante r¨¦sidente du Programme des Nations Unies pour le d¨¦veloppement au B¨¦nin. Le pr¨¦sident Kabor¨¦ a promis que dans les r¨¦gions o¨´ le gouvernement valorisera de nouvelles terres agricoles, 25 % ¨¤ 35 % des terrains seraient attribu¨¦s ¨¤ des femmes.?

Marie Madeleine Somda, une activiste qui a particip¨¦ l¡¯ann¨¦e derni¨¨re au gouvernement transitoire, se dit d¨¦?ue mais aussi optimiste pour l¡¯avenir.?